RANDO MULET

Récits de voyages et randonnées diverses avec un mulet:UN VRAI MULET

Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse

Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse
Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse
Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse
Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse
Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse
Escapade avec un mulet en vallée de la Creuse

Le temps est exceptionnel en cette fin février 2019, aussi je me dis « Pourquoi ne pas partir en avant-première de l’année avec Mario le mulet ? ».

La semaine suivante, au début du mois de mars, je suis sur la route mais sous un ciel beaucoup moins clément.

Pourtant, quelques jours auparavant le mulet sentait lui aussi le printemps précoce. Il faisait de longues courses en zig-zag au galop dans le pré de Basfer avec des allers et retours foudroyants de rapidité. Il poursuivait plus qu’à son habitude la pauvre chevrette trijambiste. Empreint de malice pour toutes choses et excité par le réveil de la nature, Mario ne se retenait plus, jusqu’à casser deux piquets de sa clôture. Il me donnait là des signes évidents d’évasion et je pris donc la décision d’aller découvrir d’autres chemins de traverse…

Pour être tout à fait honnête, cela ne me déplaît pas de partager avec lui des moments de liberté, loin de notre si captivante actualité où il est trop souvent question ''d’impacter, de c'est clivant, de rebondir, voilà, du coup, c'est glaçant'' à tout bout de champ.

Vous le savez certainement, lorsqu’on voyage à pied en semi solitaire avec un mulet de bât, on décroche de l’habitus et on se requinque en tous points. Cela fait du bien jusqu’à la racine des cheveux.

Un petit tour d’une semaine pour s’assurer que tout fonctionne normalement et remédier éventuellement aux petits soucis qui surviennent immanquablement durant les premières fredaines.

Par exemple, pour l’humain il faut anticiper les désagréments concernant le souffle, les pieds, les contractures, le transit, les courbatures, le moral et vérifier le classement, l’ordre dans les bagages et le bât, la nourriture, l’équipement de nuit, de pluie, de marche…

Pour le mulet, il faut contrôler l’équilibre du bât, la tenue des fers, le dosage des granulés, la maîtrise du bâtage le matin, la conduite sur route et reprendre le rappel aux ordres et au vocabulaire courant, la surveillance de sa vitalité dans les fortes déclinaisons…

L’ami Jean-Luc m’a permis de mettre rapidement le cap vers la vallée de la Creuse. Il m’a facilité les points de départ et d’arrivée, ainsi je n’ai plus qu’à trouver une étape intermédiaire sur le territoire de la commune d’Éguzon-Chantôme. Ce mini circuit d’environ 80 km peut se pratiquer pour une grande partie sur les nombreux chemins de randonnée quadrillant cette bien belle vallée.

la palette de Crozant

la palette de Crozant

Cette nouvelle aventure me conduit au milieu de paysages spectaculaires autour de la Creuse qui passe dans le village de Gargilesse à 10 km d’Argenton, puis se transforme à Éguzon grâce au barrage en lac de Chambon. À son extrémité se situe la palette de Crozant.

Un chemin plongeant

La vallée est souvent encaissée et les sentiers qui la bordent sont souvent « haletants ». Il en est même du côté du château de Châteaubrun qui sont absolument déconseillés aux cavaliers, tant ils sont étroits et dangereux avec le rocher d’un côté et le ravin de l’autre. Je ne m’y suis pas risqué avec le mulet car bâté celui-ci est large d’un bon mètre. Le tenancier de l’auberge La Table d’Angèle au pont des Piles me racontait qu’un cavalier malin avait dévissé avec son cheval et était tombé dans la gorge. Dernièrement, deux jeunes dames, peut-être des demoiselles plus aguerries, avaient voulu absolument emprunter ce passage avec, paraît-il, deux mules, mais elles avaient dû rapidement opérer une retraite raisonnable pour se garder en vie !

Ayant déjà la douloureuse expérience d’un dévissage de Mario dans le massif du Cantal en mai 2012, où celui-ci marchant sur une pierre ravinée par la neige était tombé dans un éboulis 15 mètres plus bas, je ne me hasardais plus à « faire le pitre » sur un mauvais sentier.

Comme le décrit si bien mon cousin Denis, vigneron à Cars (Blaye, 33), cette vallée est très belle en automne où les couleurs chatoient et se contrastent avec tant de vigueur que les peintres à la suite de Claude Monet sont venus et viennent toujours célébrer ces paysages de rochers, de bruyères, d’eau flatteuse et changeante, d’ajoncs, de genêts et de feuillus de toutes sortes. Pour nous, à la sortie d’un hiver mou, nous avons bénéficié d’une quantité de fruitiers en fleur.

À voir ces floraisons si précoces je pensais aux vieux de mon village qui me disent en voyant ce dérèglement du temps : « On va le payer, oui, j’te le dis on va le payer. »

Gargilesse

La vallée de la Creuse, c’est aussi le souvenir de George Sand qui depuis sa demeure de Noyant près de La Châtre aimait venir dans ces lieux enchanteurs. À Gargilesse, elle séjournait dans ce petit village tout en esquisse et témoignait par ses écrits de la beauté des sites sauvages. De même cet endroit a attiré des artistes impressionnistes qui ont pu grâce à la mise au point des tubes de peinture peindre la nature en extérieur. Mais c’est à Crozant que tout va se révéler et aujourd’hui ce bourg perché sur un promontoire dominant la Creuse et la Sédelle conserve une notoriété due autant à son pittoresque paysage qu’à son école de peintres.

en arrivant à Gargilesse

Depuis Malicorne chez Sandie et Donovan, Mario et moi descendons vers le bourg de Gargilesse où le mulet a fait le beau devant les caméras de France 3, venues là pour réaliser une émission sur les petites communes de France. Faut dire que la semaine passée le président de la République en personne s’est déplacé dans ce petit bourg, qui maintenant plus qu’avant attire les médias.

le donjon de Châteaubrun

Pour rejoindre Éguzon, je choisis de prendre le chemin sur la rive ouest de la Creuse. Un sentier très accidenté mais terriblement beau. Tout le long du parcours se déploie une magnifique vue sur la rive opposée, qui fait oublier les efforts. En chemin, un producteur de brebis me propose un hébergement chez lui à Bazaiges, mais je ne peux accepter car le gîte d’Éguzon m’attend !

La responsable du gîte d’étape d’Éguzon m’avait prévenu : pas de chauffage pour une seule personne ! Heureusement, j’ai emporté 2 duvets pour m’y emmitoufler la nuit venue et j’ai dormi avec un bonnet de nuit. Mario, dans le pré contigu, a discuté avec les chèvres poitevines ; entre païs, on se comprend un peu !

au milieu d'un bois rencontre fortuite avec le passé des maquisards.

Me voici maintenant dans le département de la Creuse. Comme dans le Berry le paysage est immémorial. Le remembrement n’a pas trop esquinté le panorama et les haies vives sont toujours à la lisière des prés où paissent de nombreuses limousines belles à souhait. Les quelques villages et hameaux traversés sont désertés et les commerces sont déglingués ou à l’abandon. Les gens, ceux qui restent, sont-ils là uniquement pour faire spectacle aux touristes ? La plupart sont âgés, mais le plus souvent restent très accueillants. Sur les routes, les autos, en majorité anciennes, n’ont pas bénéficié des largesses du Gouvernement en matière de renouvellement !!! Elles puent et laissent échapper de grandes volutes de fumée en me doublant lorsque je sors des chemins forestiers les poumons pleins de bonnes odeurs.

 

Ici ou là, je vois beaucoup de femmes et d’hommes qui s’activent près des arbres isolés mais nombreux dans les grands prés ; ils taillent les bouchures pour s’en chauffer cet hiver.

Et le temps, celui de la météo ? Beaucoup de vent, de pluies éparses, d’averses profondes, lourdes et drues qui vous tombent sur le travers à vous obliger à marcher courbé ou abrité derrière l’encolure du mulet qui tel un métronome avance régulièrement.

Durant cette marche, l’air qui fouette les joues me rendra souvent saoul et ce n’est pas les deux grands verres de « jaune » offerts par Richard qui arrangeront mon état de lévitation temporaire.

En traversant Azérables, des joueurs de pétanque sont venus vers moi, je veux dire vers Mario pour lui caresser le museau. Cela m’a semblé curieux qu’ils délaissent ainsi leur cochonnet pour un mulet. C’est ainsi, ça c’est vraiment passé à Azérables !

Un soir, j’ai dormi à JEUX dans la maison prêtée par Véro et Jean-Luc. Mes sardines à l’huile d’olive et au citron vert m’ont, paraît-il, fourni les omégas nécessaires à ma survie, c’est du moins ce que m’a dit par texto une de mes aficionadas en réponse à ma prose du soir. D’autres lecteurs assidus de ces écritures tardives ont répondu par des jeux de mots : « La Creuse, ça creuse » ; « Jeux du soir bon soir » ; « En Creuse vacances heureuses, ailleurs vacances meilleures ! »Tout cela agrémente le voyage solitaire et donne un sourire avant la fermeture des paupières.

Mario, sous une déferlante orageuse, a passé la nuit à brouter l’herbe grasse et abondante du pré de Jean-Luc et ce matin il a « la courante ». Il s’en est gavé le bougre !

Pour ma part, tout au long de la journée j’ai joué et jonglé avec les averses et les grains mais je dois dire que j’ai plutôt eu de la chance de n’être point aspergé à longueur de temps. Cela aurait fait dire à ma grand-mère Hermine, native du Sud-Ouest, combien j’avais « le cul bordé de nouilles ». En réponse à cela, Eva m’a répondu par SMS qu’à Marseille on dit aussi « le cul comme la porte d’Aix ».

En chemin, près du centre équestre de Saint-Sébastien en pays creusois j’ai rencontré une charmante dame qui a été séduite par mon compagnon. Très vite, elle a hélé son petit mari « Minou, viens voir le mulet. Tu vois mon Minou, ils marchent contre les cancers de l’enfant ». Je n’ai pu m’empêcher de chanter à monsieur Minou la comptine enfantine des « petits minous qui avaient perdu leurs mitaines ». Ce fut un moment minou tout plein, je dirais même plus minou minou. Et cela fut ponctué à la fin de la chanson par un braiment de Mario. Étonnant, non ?

Ce bref voyage en Creuse d’environ 80 km m’a permis de vérifier mon aptitude post hivernale à marcher sur les chemins. Il est aussi nécessaire de m’accorder, de me mettre en harmonie avec mon compère, étant appelés tous les deux à poursuivre encore un peu un chemin commun.

La vallée de la Creuse une promenade à recommander. Elle vaut le détour avec ou sans mulet.

Jean, en mars 2019


 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
La Creuse : un coin comme on les aime : authentique , vrai de vrai et intemporel ....<br /> Un peu comme le pays Berrichon que nous allons bientôt parcourir <br /> Vivement dimanche prochain .!!!!!, comme dirait .....<br /> Byp
Répondre
B
La Creuse , c'est pas du flan !!!! c'est du " pays vrai " , inchangé , nature et authentique !!!!<br /> Comme on les aime ....<br /> A bientôt dans le pays voisin Berrichon<br /> BYP BYP
Répondre
A
bonjour Jean , comme à chaque rando c'est un agréable récit que tu nous livres , bien belle région que tu nous fais découvrir , c'est super , continue encore <br /> bises pour toi et caresses à ce beau complice de Mario
Répondre