RANDO MULET

Récits de voyages et randonnées diverses avec un mulet:UN VRAI MULET

En passant par la Vendée et les Charentes avec ses sabots !15

Chapitre XV

Derrière le McDonald's de Saintes, j’ai maintenant rendez vous au village de la vie où nous sommes tous les deux hébergés. Ma chambre est spartiate mais cela me convient bien. Par contre j’inspecte le tour du grand parc sans y trouver un seul coin herbeux. Uniquement de la terre battue, quelques bauges et trous de sangliers parsèment l’espace et le sol est jonché de marrons d’inde. Je me résous à installer le paddock électrifié au plus près de ma fenêtre de chambre, pour avoir l’œil sur Mario.

Près de la chapelle, dans un mini enclos grillagé, deux chèvres naines jouent à la bataille des cornes. Je demande à un habitué des lieux si je peux utiliser un peu de foin, repéré tout à l’heure, entassé dans une cabane à moitié déglinguée, vraisemblablement un ancien taie à cochons. « Oui bien sûr, mais dépêchez vous car la messe va bientôt commencer. Vous viendrez, n’est-ce pas? Il y va du salut de votre âme». Étant de plus en plus dur de la feuille, j’ai d’abord compris qu’il s’agissait du salut de mon Âne! Non, vraiment je ne pouvais laisser Mario sans nourriture et les granulés restants  ne suffiraient pas à le caler, aussi je pris le parti de faire grand "péché" et de me "pencher" plutôt sur le salut de mon mulet. Lorsque à demi courbé je rentre dans le taie à cochon, trois gros rats détalent. Contre mon gré et connaissant ce que les rats transportent comme maladies, je donne tout de même à Mario ce foin à l’odeur de moisi. En début de nuit, je suis revenu voir Mario avec la frontale : il n’avait pas touché au foin. Je puis vous dire que cette nuit là j’ai peu dormi venant souvent visiter le mulet, craignant une possible fugue en quête de nourriture !

Vers 20 heures, Sabine est venu me chercher et nous avons passé en famille une bonne soirée: une fricassée de cèpes à l'entrecôte, arrosée d’un excellent flacon faisant le lien. Et là , je puis vous dire que ce n'était pas un enlèvement mais bien une restitution de sacoches rapatriées de chez le gars Fabien.

Au matin, au sortir du village de la vie, le mulet n'ayant pas goûté au foin parfumé à la pisse de rats ( et pour cause!) je l'ai exceptionnellement autorisé à brouter le long de la route et à se gaver de branchettes, de ramilles et autres broutilles. Il fallait bien qu'il compense son "carême" de la veille! Faut dire que je n'étais pas bien fier d'un telle bêtise de ma part!
 

La fin du voyage.

Avant d’arriver à ma destination, j’ai fait étape à mi-chemin dans l’écurie du bois Caillé où Mario bien qu’il soit différent parce que mulet, a été reçu comme un étranger de renom, avec les égards dû à son parcours effectué depuis si longtemps.

Les beaux chevaux ont été très surpris de voir arriver sur leur territoire cet animal aux grandes oreilles, à la queue longue comme la leur, mais à la démarche tellement particulière. C’est vrai que Mario amble parfois un peu, c’est toujours vrai que son odeur est tellement spécifique et que son cri, son brainissement est très éloigné du hennissement du cheval mais aussi du braiement de l'âne. Tout comme chez les « humains », la différence peut entraîner un recul, voire une crainte de l’autre, mais grâce à son insertion fréquente avec la gente chevaline, d’autres diront l’intégration ou l’inclusion, il arrive très bien au  "vivre ensemble". Au matin, je ne peux pas dire que Mario était totalement accepté par le reste du troupeau mais j’observais que les étalons levaient moins haut la queue et qu’il y avait beaucoup moins de parade démonstrative de puissance.

Comme dans toute chose il faut laisser le temps construire le temps.  Je sais pour l’avoir souvent pris pour devise que les termes de l’ecclésiaste en son chapitre 3 sont essentiels pour passer du hier à demain, du « yaka » au faire: il y a un temps pour tout , un temps pour...et un temps pour…

 

Monument en l'honneur d'Emile Combes, enfant du pays.

Le chemin  vers la ville de Pons m'a paru bien long. Sûrement la fatigue conjuguée à la mauvaise estimation du kilométrage mais surtout de l’appréhension de la fin du voyage.

Pas vraiment glamour cette dernière étape!: la plupart du temps je longeais de plus ou moins près la route nationale dont le vent d'est de cette matinée me renvoyait la lourdeur des bruits de moteur.

Bien des maires rêveraient de ce panneau!
La halte pour pèlerins

Dans un petit hameau d'un village dont j'ai oublié le nom un maire astucieux a réhabilité une sorte de grange pour que le pèlerin puisse se reposer un instant (nous sommes de nouveau sur une des voies de Compostelle: la Via Turoninsis, l’un des chemins les plus fréquentés au Moyen-Âge.)

Mon point de vue depuis mon petit pliant.

J'ai traversé Pons du nord au sud et jeté mon dévolu près du marché couvert. Il est bientôt midi et je me suis installé sur mon petit pliant pour déguster mon  repas du jour sorti de la caisse "miam-miam": salade mexicaine, tomates au sel, crottin de Chavignol et pomme, le tout arrosé d'une bière légèrement tiède, une sorte de Cervoise!

Amphore gallo romaine, musée de Pons, hôpital des pèlerins.

Tranquillement j'ai regardé les gens quitter leur travail, aller et venir du boulanger au charcutier. Un groupe de lycéens joyeux remontent  la rue en blaguant haut et fort, et tout cela l'espace d'un instant, d'une parenthèse entre l'action et la flemme, entre le crottin et la pomme! entre l'envie de se remettre en route et le détachement que je subis dans cette sorte de rêve où je me regarde comme un autre.

au centre de Pons, le Donjon majestueux.

 

l'hopital des pèlerins

En cours de route à la sortie de Pons ( dont nous ne prononçons plus le S) j’ai mené Mario sur un petit bout de rocade pour gagner du temps.  Longeant la barrière de sécurité, j’ai accéléré le pas pour rejoindre un chemin de terre.

Aux abords de Pons, étrange tour crénelée.

J’avais hâte de quitter le tronçon de cette voie interdite aux piétons et pourquoi pas aux rafardiers, me sentant en infraction ! Une voiture fléchée de bandes rouges et blanches et munie d’un gyrophare me dépasse alors et vient s’arrêter brusquement à une trentaine de mètres devant moi. « ça y est je suis fait » me dis-je «Je suis comme un délinquant qui s’est fait prendre, je vais avoir droit à une leçon de morale, à une admonestation, voire à une interpellation, sûrement une contravention ! »

Samedi prochain sera l'épilogue de ce voyage muletier en Vendée et Charentes puisque nous arriverons au logis de Michel et Anne.

Jean en écriture depuis Thésée en 41 le samedi 13 mai 2023

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