18 Janvier 2016
Ainsi, nous avons marché 235 km en Catalogne de part et d’autre de la Frontière durant 11 jours .Notre compagnon de chemin, le mulet Mario, a transporté nos bagages facilitant notre voyage.
Deux filles et trois gars, heureux d’être ensemble pour un périple sous les couleurs de « l’étoile de Martin »pour soutenir la recherche sur les cancers et tumeurs de l’enfant. Cette cause nous a vraiment unis et mis en joie ; sans honte, je puis dire que nous avons pris du plaisir dans l’accomplissement de cette action solidaire.
L’association étoile de Martin poursuit 2 objectifs :
Des petits Martin, il y en a beaucoup, beaucoup trop aujourd'hui. Pauline, Philippine, Manon, Kilian, Mohammed, Raphaël, Margaux, Guillaume, Alexis, Melissa, Maxime, Julianne, Quentin, Romuald, Antoine et tous leurs petits compagnons là-haut, jamais nous ne pourrons oublier ces gosses-là.
Tenter de donner un sens à quelque chose qui n’en a à priori aucun, et ainsi contribuer à guérir davantage d’enfants atteints de cette terrible maladie, telle fut notre motivation pour fonder l’Étoile de Martin, indiquent Laurent et Servanne Jourdy co-fondateurs de l’association.
1 enfant de moins de 15 ans sur 440 sera touché par un cancer...
1 enfant sur 440!
Aujourd'hui, plus de 1 800 enfants sont atteints par an de cancer en France.
La recherche a beaucoup avancé ces 20 dernières années permettant de guérir davantage d'enfants, d'améliorer la qualité de vie pendant les traitements, de réduire les séquelles. Même si 75% d'entre eux guérissent, beaucoup deviennent des petites étoiles.
Certains cancers ont un pronostic particulièrement incertain: c'est le cas par exemple du neuroblastome, des tumeurs au cerveau et des formes métastatiques de certains cancers. Leur rareté n'est pas un facteur favorable pour que la recherche avance vite.
Par ailleurs, les séquelles sont encore souvent importantes : atteintes cognitives, motrices, cardiaques, visuelles, auditives, stérilité, ....
Le quotidien de ces enfants malades est particulièrement pénible, douloureux, avec des traitements longs et lourds qui souvent ne leur permettent pas de mener une vie normale. Soutenus et aidés par un réseau solidaire et engagé, les parents de Martin ont décidé de fonder l’association en octobre 2006, afin de contribuer à la lutte contre les cancers pédiatriques qui en ont tant besoin, et ainsi tenter de donner un sens à cette terrible et injuste disparition.
Au cours de notre voyage en terre catalane, nous avons largement distribué 3 types de flyers .En premier celui édité par l’association étoile de Martin .Le second construit et traduit en catalan par Stéphanie de Rubicréation à Nay, et imprimé gracieusement par Serge Blanc de l’imprimerie de la gare à St Estève. Le dernier, édité spécialement par Marie-Line adjointe au maire de Collioure.
Ce fut le soleil qui s’invita tous les jours de notre randonnée parfois en nous disant bonjour, souvent en nous caressant, quelquefois en nous faisant subir sa chaleur, mais toujours en nous promettant du bon temps. D’ailleurs, tout le long du chemin, ce fut sûrement grâce à lui que nos rencontres furent riches et riantes.
Le chemin côtier.
Du nord au sud en partant d’Argelès-sur-Mer pour rejoindre Cadaquès, nous nous sommes efforcés d’emprunter le chemin côtier .Cela n’a pas toujours été facile voire souvent impossible du fait d’escaliers inappropriés, de sentiers trop étroits pour le passage du mulet bâté. Il faut en effet compter un bon mètre de largeur lorsque le mulet porte son bât. Mais que la vue est belle au ras de l’eau ou bien à mi-hauteur ou encore en surplombant l’ensemble de la côte ! Ce chemin nous a fait goûter des joies encore inconnues et nos yeux subjugués s’en remettent maintenant aux photos pour nous rappeler tout cela. Nous nous savions des êtres privilégiés de découvrir ces sites splendides dépourvus au demeurant de touristes à moitié nus. Ce sentier tour à tour caillouteux, herbeux, pentu, sableux, glissant, en caillebottis, goudronné ou poussiéreux, fut le véritable fil de notre randonnée catalane, mais quel plaisir de randonner ici, quelle belle vue, quels beaux paysages. C’est vraiment merveilleux !
Les écoles.
A plusieurs reprises, notre parcours nous fit rencontrer les enfants des écoles. Que ce soit à Collioure, où une petite fille de l’école Jules Ferry souhaite que je dise tout bas à l’oreille gauche de Mario : « Mario, je t’aime ».
A l’école Pasteur de Port-Vendres, ce fut un vrai régal de rencontrer les enfants, les maîtres d’école, les parents. Le directeur avait bien organisé notre prestation : classe par classe avec discipline, les enfants posaient les questions préparées auparavant avec la maîtresse. Certains donnaient des dessins, d’autres disaient qu’ils nous les enverraient parce qu’ils étaient affichés dans le hall. Le journaliste de l’indépendant était à l’ouvrage lui aussi, interviewant et filmant à tour de bras (voir la vidéo sur randomulet.com).La police municipale, mobilisée pour l’occasion se chargeait du périmètre de sécurité et était attentive aux réactions du mulet : pas de risque inutile avec un animal inconnu !
un mulet dans l'école:pas de bonnet d'âne.
l'école de Collioure
Le mulet Mario
A Cadaquès un homme souhaite lui offrir un sandwich au jambon. Je rejette la proposition : Mario ne mange pas de porc et n’est pas omnivore !
Il porte 149 kg de bagages se répartissant ainsi :
Bât nu : 26kg -équerres : 12kg -caisses : 36kg -grain : 10kg -bagages : 31kg, -cuirs, bricole et avaloir : 15kg -clôture et batterie : 8 kg - gourdes et divers : 11kg.
Coup de chapeau à Anne qui tous les soirs a nettoyé les cuirs pour éviter les blessures et les escarres dues à la crasse. Travail soigné et de qualité.
Mario, d’abord délicat sur l’herbage introuvable, s’est mis à manger du fenouil lorsque l’herbe se faisait rare !
A Llança en Espagne, Mario couche sur la pelouse de l’auberge : le matin, nous prenons grand soin de cet endroit en rebouchant les trous et en retirant le crottin.
A Banyuls, Mario dort au centre équestre des chevaux de La Coume Pascole .La séduisante et courageuse Goëne nous accueille avec chaleur et sympathie. A Cerbère, le bel animal couche aux services techniques de la ville dans un espace caillouteux à souhait à proximité de la gare internationale. Avec ardeur nous coupons des roseaux et bambous afin de compléter le petit ballot de foin. A Cadaquès, il est installé dans un paddock de 2 mètres sur 6, derrière le transformateur électrique. C’est là que j’ai perdu mes lunettes : je les ai retrouvées au petit matin en charpie : le mulet les avait piétinées. A Argelès, Mario partage un paddock avec les mustangs du centre équestre le Kentucky ranch de William, et à Collioure, il aura la chance de se prélasser dans les douves du château royal, résidence des rois de Majorque et d’Aragon.
La montagne.
Au total 235 Km, dont 4600 mètres de dénivelé.
L’incendie à Cerbère : le ministre de l’intérieur vient sur les lieux en hélicoptère. La circulation est déviée, les agents municipaux et gendarmes déploient un zèle approprié. Malheureusement une jeune pompier volontaire décèdera dans ce brasier. Nous faisons un long détour pour éviter les flammes.
l'incendie tragique de Cerbère
Col del Mollo : longue montée, très longue descente dans les vignes. Arrivons à Collioure très fatigués
En général, nous avons souffert avec bonheur dans les chemins poussiéreux de cette belle région. La chaleur ne nous a pas épargnés. La sueur nous a accompagnés, mais quel régal pour les yeux, le cœur et les jambes !
Les belles rencontres.
Pierre, ancien directeur de cabinet de Raymond Barre offre un café à toute la troupe, s’amuse à quelques plaisanteries fines et nous encourage dans notre action .Nous lui offrons en retour une « fillette » de Pont-Saint-Martin.
aire de pique-nique à Banuyls
Nous le retrouvons à notre retour alors que nous pique-niquons sur l’aire de repos surplombant la ville de Banyuls. Il récidive en nous proposant un café pris à la terrasse du restaurant La Littorine, établissement réputé de cette ville. Nous sympathisons avec le restaurateur qui est ravi de voir Mario occuper une place de parking payant devant son restaurant : prise de photos de ce « véhicule équin » qui stationne sans s’acquitter de la redevance, enfreignant ainsi l’arrêté municipal ! Facebook sera témoin de cette infraction.
nettoyage de la chaussée"à l'ancienne".
« Nous marchons pour une œuvre, » « les petits ruisseaux font les grandes rivières » : Voilà des phrases répétées lors des rencontres avec les gens.
Stupeur et étonnement : je rencontre près des remparts de Collioure Marie Josèphe et Jean Paul !ceux-là mêmes que j’ai croisés il y a 3 semaines à l’abbaye de Valloires lors de mon périple en Baie de Somme. Nous sommes heureux de nous reconnaître ici à presque mille km de notre première rencontre. Ce couple va même en échangeant avec Anne se trouver des amis communs dans le pays de Doullens en Somme.
paroles!paroles!paroles avec les touristes.
En Espagne sur la place de Llança, alors que nous agitons la tirelire : « no comprendo,no tengo dineros,no entiendo.. »Ou bien « c’est bien ce que vous faites, continuez !».Ils ne donnent pas un sou malgré la cagnotte sonnante et trébuchante. En fait, nous avons remarqué que les gens donnent sous le coup d’une émotion ou par mimétisme pour faire comme les autres même s’il s’agit de mettre une pièce de 1 ou de 2 centimes dans la boîte. Et puis, nous savons aussi qu’étant tellement sollicités, les gens sont fatigués de donner pour telle ou telle cause .Et quelle probité ?quelle transparence dans toutes ces associations quêteuses ?
A Portbou, la vraie Nabila, serveuse au restaurant Passatges, séduite par Mario, lui apporte un seau d’eau.
Grand merci à Thaddée David, taxi à Collioure qui offre gracieusement ses services pour transporter Bernard jusqu’à Argelès afin que celui-ci récupère son auto.
En plein milieu du grand marché d’Argelès- sur- Mer, Christine, vendeuse de fruits et légumes au coin de l’avenue de la Libération et de la République, offre de belles salades à Mario qui s’en régale, en met partout et fait l’attraction des badauds.
LE marché d'Argelès:tous les bénévoles sont à la tâche.
A Banyuls, Claudie la patronne de La Marenda, tombée sous le charme de Bernard, nous offre le petit déjeuner du vendredi matin.
A Port-Vendres, le club de randonneurs évasion catalane nous accompagne à plusieurs reprises. Jean Pierre, président du club, se montre très actif.
En plein milieu du marché d’Argelès, accolés à l’église nous avons « fait le job » pour récupérer un maximum de monnaie .Face à nous Michel et Dominique, charcutiers –traiteurs de Pioc et compagnie nous ont offert le repas du midi : un beau poulet rôti bio que nous avons dégusté en silence près du cimetière.
Au cours de ce voyage, Salvatore Dali nous a souvent accompagnés.
-la gare de Perpignan, que nous avons évoquée avec l’extase cosmogonique du célèbre artiste.
-La jolie ville de Cadaquès.
-la folie du chocolat Lanvin.
En Espagne, les touristes encore présents sur la côte, nous font bon accueil. Des gens de très bonne humeur, prenant l’air au balcon de leur villa nous font des signes, nous appellent, nous offrent de la boisson, nous cueillent des raisins et remplissent abondamment la cagnotte : on serait bien resté avec eux jusqu’au soir …
La route.
Le passage des tunnels : tous nos gilets fluos sont à la manœuvre, sur le mulet et sur chacun de nous. Nous en agitons aussi à bout de bras .Nos lampes frontales clignotent et avertissent les automobilistes.
Un chauffard français nous frôle en 504 et klaxonne en plein tunnel : effet garanti sur nous, mais le mulet qui en a vu d’autres reste heureusement impassible. Bravo Mario. La traversée du long tunnel catalan du Col del Frare de 503 m s’effectue en 7 minutes.
Sur la route désaffectée au nord de Cerbère, nous cheminons seuls sous le soleil ardent lorsque nous apercevons au loin dans la montagne une voiture qui file comme un bolide, soulevant un gros nuage de poussière : à la hauteur de la citerne 323, ce sont bien des gendarmes, gyrophare en action qui nous croisent à vive allure dans leur Renault Kangoo sans aucune gêne : d’où viennent-ils ?où vont-ils ?que font-ils ?sûrement une affaire importante !et nous ? Tranquillement nous goûtons le paysage.
N’est-il pas délicieux de croiser des véhicules dont le dossier du conducteur est affublé du charmant gilet fluo, vêtement devenu obligatoire dans chaque automobile .J’ai même vu des automobilistes vêtus en permanence de ce gilet fluo pour conduire. Ce cher gilet fluo de préférence sans manche n’est pas le seul uniforme des professionnels du bâtiment ou de la voirie. Je sais maintenant qu’il sied et plait aussi à de nombreux adeptes des voitures sans permis.
Les camping-cars : les retraités pour la plupart bedonnants rêvant d’aventures, de solitude et de grands espaces en toute liberté s’adonnent sans modération à la pratique du camping-car. Nous les retrouvons sur les aires qui leur sont réservées, entassés côte à côte, avec pour horizon la carrosserie du voisin.
Les teigneux.
Au Port de la Selva entre Llança et Cadaquès, alors que nous nous arrêtons dans un bar pour nous restaurer et nous désaltérer, une femme en furie, du haut de son balcon, nous invective avec véhémence parce que Mario est attaché sur le trottoir en- dessous de son domicile. Elle ne peut supporter ce spectacle et crie beaucoup, en prenant les clients du bar à témoin .Elle s’énerve, devient très agressive, porte des injures à notre encontre et frôle l’hystérie .Heureusement pour elle, Mario, comprend pas un seul mot d’espagnol ! Sinon je suis sûr qu’il aurait cagué devant sa porte.Et du mou encore !!Tous les gens présents tentent de calmer la ‘foldingue’ et finalement prennent gain et cause pour nous en l’interpellant à leur tour afin qu’elle s’apaise. La vox populi aura finalement raison de cette démente, qui après 10 minutes, refermera sa porte-fenêtre en nous laissant tranquilles. (Mais c’est long 10 minutes de folie !)
Une autre fois, une femme très mal frisée, façon Dorothée, année 80, mais dans la force de l’âge, nous a interpellés sur le mauvais traitement que nous faisons subir à notre « cheval ».Elle le trouve trop chargé et plaint la pauvre bête qui doit souffrir d’un pareil traitement .C’est une honte. Elle dit qu’elle se plaindra et que c’est vraiment inhumain de se comporter ainsi. « C’est pourtant vrai que Mario est chargé comme une mule ! »
Durant mes voyages avec Mario, je rencontre toujours des gens compatissants vis-à-vis du Mulet et teigneux à mon égard. Heureusement, ces « anthropomorphes » sont peu nombreux, mais sont en général assez discourtois et toujours dénués de connaissance animalière, de surcroit de la race mulassière.
Les repas
L’antésite de Bernard : boisson à mélanger impérativement avec de l’eau. « Il y tient à son antésite le Bernard !», et essaye de radicaliser (c’est un mot fort employé de nos jours) certains d’entre nous à cette boisson!
Pierre nous offre un café et nous raconte : « la maladie du boulanger : c’est la brioche et en dessous la baguette ». Plaisanterie digne des grosses têtes…
Sur la place devant la plage de Banyuls, un vendeur à la sauvette souhaite absolument nous offrir cinq pizzas pour nous aider dans notre tâche et ainsi participer au combat contre le cancer. Nous nous débarrasserons bien vite de ces victuailles périmées depuis plus de 7 jours.
Le soir, lorsque cela est possible, nous « festoyons » au restaurant, alors que le déjeuner est presque toujours pris « sorti du sac » .C’est ainsi que notre Guillaume nous régala un soir dans un resto de bord de mer à Port-Vendres.
Les réceptions.
A Collioure, la réception est organisée par le maire, le docteur Pierre Manya .Pour la petite histoire, il fut, lors d’un cursus universitaire, condisciple d’Hélène, une des directrices de mon ancienne institution. Les liens sont immédiatement amicaux et chaleureux .Nous assistons avec émotion au concert donné par la chorale tchèque Carmina qui nous a régalés de chansons de Bohème et d’airs de Moravie.
A Banyuls devant la plage, la réception de l’après-midi est prise en charge par le maire et le journal l’indépendant réalise un bel article .Le soir à 18 heures, nous assistons à une autre réception en mairie en présence de 3 personnes ! Une bouteille de Banyuls nous est offerte. A Port-Vendres, la réception se déroule dans la salle des mariages, sans Mario évidemment. Allocutions, congratulations, satisfactions, et ambiance sympathique. A Cerbère, c’est sur la placette située entre la mairie et la plage que le maire et le journaliste de l’indépendant nous accueillent avec chaleur.
Avec les maires de collioure et de Banuyls
L’hébergement.
Tous nos hébergements ont été totalement pris en charge par les municipalités traversées. Il faut dire que le travail préparatoire effectué par Bernard le communicant a largement contribué à la réussite de nos nuitées.
Ainsi à Argelès- sur- Mer, la municipalité met deux mobil-homes à notre disposition pour les nuits des 7 ,8 et 18 septembre : accueil royal au camping le roussillonnais. A Collioure, nous serons logés dans l’ancien hôtel de ville, en plein cœur de la vieille ville .A Port-Vendres c’est l’ancien logement du directeur de l’école Pasteur qui fera notre bonheur. A Cerbère, le maire nous offre deux chambres au Central Hôtel : Laetitia nous entoure de ses soins. A Cadaquès nous serons hébergés gracieusement par la mairie à l’hôtel Christina.
Pour notre malheur, nous rencontrerons à Banyuls un méchant homme : on peut dire que c’est le seul vrai mauvais souvenir de ce formidable voyage. Voici les faits : le maire nous avait réservé la salle de gymnastique et de danse dans la maison des associations sportives. 4 lits de camp pliants genre lits Rami étaient installés dans cette grande salle vide dont les murs tapissés de miroirs reflétaient avec intensité les néons du plafond. Au moment de nous coucher, nos ablutions faites, nous nous glissons dans nos duvets. Mais il faut que l’un d’entre nous se relève pour fermer l’interrupteur situé à l’entrée de la grande salle. C’est donc Bernard, le plus courageux qui s’y colle, mais en revenant dans le noir, en se mettant au lit, nous entendons un grand bruit .Son lit de camp s’est effondré, cassé en deux, la toile le recouvrant à moitié. La douleur est vive, le choc a été brutal .Le coccyx et le dos ont « trinqué », mais très vite, avec l’aide d’Anne, il se relève avec peine et tente de reconstruire son lit « made in China ». Que nenni, ce lit-là est retors et il n’est plus possible de faire les assemblages.
Après le clash! douloureuse levée du corps!
Que faire ? Se rappelant qu’en montant l’escalier il a aperçu dans un recoin un lit cage avec matelas, il décide d’aller le chercher. Trois minutes plus tard, nous le voyons fièrement franchir la porte de notre grande salle de danse. Après avoir éteint les néons, il s’installe enfin pour dormir. Il est 22 heures 30.
Dans un grand bruit, la porte s’ouvre, la lumière crue est allumée à la manière des réveils dans les pensionnats de garçons des années 60.Le gardien du gymnase, c’est bien lui, entre dans la grande salle de danse en vociférant, en hurlant de dégager ce lit qu’il ne veut pas prêter, et en interpellant violemment l’emprunteur non autorisé, en nous traitant de voleurs. Face à une telle agressivité, nous protestons mollement, évoquons l’incident du lit chinois, implorons son humanité, quêtons sa mansuétude. Cela n’a aucun effet sur son comportement agressif sinon que de renforcer sa hargne à éjecter hors du lit notre compagnon. Emmenant avec lui l’objet du délit, cet employé aux troubles de l’humeur bien connus des psychiatres, s’en retourne en maugréant qu’il fera tout pour nous empêcher de revenir l’année prochaine.
Nous sommes éberlués par cette soudaine violence et comme on dit dans les chaines d’info «sous le choc » .N’ayant pas la faculté de mettre en place une « cellule de crise », nous essayerons sans succès de dormir. Bernard s’étendra à même le sol, quant à nous trois, absolument sans bouger, nous bénéficierons de la torture des deux barres sous-dorsales des lits chinois.
J’avoue ne pas être fier de ma passivité lors de cet accès colérique mais ce fut si soudain, violent et rapide que… ! Bref, je n’ai pas d’excuse.
Surprise en arrivant à la cure de Cadaquès où nous devions coucher en toute sainteté. Le curé nous présente la salle ou nous devons dormir : une salle voutée de 20 mètres carrés garnie d’une grosse table en bois : en fait, nous sommes dans l’office .Nous expliquons que nous ne pouvons y dormir à même le sol tous les quatre. Alba, l’adjointe au maire, a pris immédiatement l’affaire en main et a retenu deux chambres dans le bel hôtel Cristina près de la plage. Super.
Cette randonnée sur la Côte Vermeille nous a fait découvrir la côte rocheuse ou sableuse aux panoramas mer/montagne magnifiques pour ne pas dire époustouflants. Ce recueil d’impressions et de souvenirs aurait pu être plus consistant mais c’est par respect pour le lecteur pressé d’internet que je n’ai pas évoqué la Retirada(exil des réfugiés républicains espagnols),le Racou(petite plage en recoin que nous avons eu tant de mal à quitter), la faune des falaises, la tramontane, la richesse botanique, le fauvisme d’Henri Matisse, les batteries, redoutes et fortifications, la pêche traditionnelle, les vins doux, les vignes en terrasses, les stations balnéaires, les plages, enfin tout ce qui fait la richesse de ce pays de cocagne.
Pour terminer ce récit, laissez-moi vous conter la légende du mulet de Cap Béar : un pêcheur venu sur la plage Bernadi avec son mulet, trouva dans ses filets un Christ dont la couronne était faite de cordages. Le mulet lui échappa et s’enfuit à travers la montagne et les vignes avant d’arriver jusqu’à une colline. C’est là que fut bâtie la petite chapelle de Cosprons qui renferme depuis le fameux Christ marin en croix, classé au titre des monuments historiques.
Verrons-nous le jour où le mulet sera lui aussi classé patrimoine vivant de l’humanité ?
Jean, en septembre 2015.