RANDO MULET

Récits de voyages et randonnées diverses avec un mulet:UN VRAI MULET

1. 2. 3. Soleil : avec le mulet Mario. Troisième épisode.

Premier rendez-vous manqué.

Préparé de longue date avec la directrice de l’école saint Jean, de Meung-sur-Loire, je me suis levé tôt pour que tout soit en ordre et ne pas faire attendre les petits élèves que je dois retrouver à 9 heures en bordure de Loire près de l’hostellerie Louis XI. A 8h, en plein bâtage je réponds à l’appel téléphonique de la directrice qui m’indique, par des "pas de polka", que les maîtresses ne souhaitent plus se déplacer jusqu’à notre lieu de rendez-vous à cause de l’éloignement de celui-ci (soit environ 600 mètres), mais aussi à cause du Covid. (Elle aurait pu également invoquer en troisième excuse les conséquences de la guerre en Ukraine!).

Un peu déçu, je me suis mis en route vers Orléans par le GR en chantant, puis utilisant le temps gagné nous avons, avec Mario, discuté d’abord avec des cantonniers, un garde champêtre, des familles de touristes, une vieille personne épuisée de pédaler sur la levée avec son vélo électrique puis avec des femmes promenant leur chien: le tout en totale liberté, en toute quiétude. Et Mario reprenait avec moi le refrain de cette chanson de Graeme Allwright qu’il connaît maintenant par cœur « Le temps est loin de nos 20 ans, des coups de poings, des coups de sang, mais qu'à cela n'tienne, c'est pas fini. On peut chanter quand le verre est bien rempli... » (Quand je dis qu'il reprend avec moi le refrain ce n'est pas tout à fait exact, mais je me surprends à l'imaginer ainsi!) puis il profite de mon ardeur pour se goinfrer d’herbe tendre.


 

Orléans

arrivée à Orléans par le pont de l'Europe
maison, Arts nouveaux, sur les quais.


 

« Orléans, Beaugency, Notre-Dame-de-Cléry ; Vendôme, Vendôme. Mes amis que reste-t’il à notre dauphin gentil ». Enfants, nous chantions souvent cette comptine datant du XV° siècle et aujourd’hui je la chantonne pour Mario en marchant gaiement sur le très beau mail aménagé le long de la Loire à Orléans.

Nous ne passons pas inaperçus, il faut être attentif aux vélos, trottinettes, poussettes, patins et joggeurs qui circulent dans tous les sens profitant des premiers rayons de soleil.

les premiers rayons en Mars 2022

La veille nous avons fait halte pour déjeuner dans un petit resto le long du RU, charmant petit ruisseau très bien aménagé qui traverse la vielle ville de Beaugency. Mario attaché à une rambarde a attendu sagement l’heure du café pour se réveiller et se faire câliner par les badauds à moitié touristes.

Maintenant, prenant la rive droite de la Loire, par le GR 65 je suis arrivé par une forte chaleur à Meung-sur-Loire, bien jolie ville chargée d’histoire. Le château qui domine majestueusement la Loire m’incite à rêver aux temps anciens : Louis XI, François Ier, Jeanne d’Arc (mais où donc dans cette région n’est-elle point passée?) ou encore au poète François Villon qui séjourna dans le cul-de-basse-fosse du château… « Frères humains qui après nous vivez, n'ayez les cœurs contre nous endurcis, car, si pitié de nous pauvres avez ... »

comme quoi une privation de liberté au pain et à l’eau peut faire surgir une ballade, un poème en 10 pieds.(sous terre!)

Accueilli au gîte pèlerin « la Ruche » par Hervé je fais connaissance avec Natalia une très jolie jeune femme accompagnée d’une petite fille bien mignonne elle aussi. Cette maman au visage de princesse des Carpates et au corps de rêve est étonnement triste mais aussi très surprise de voir le drapeau jaune et bleu porté par Mario.

Pourtant je la sens heureuse de participer à la préparation du paddock dans le parc situé derrière la gendarmerie. Nous échangeons quelques mots tirés d’un vocabulaire trop restreint, vestige de conversations passées, entendues entre Rosalia et Basile. Elle m’a serré dans ses bras avant qu’une dame, bénévole d’une ONG ne vienne la chercher pour lui offrir un meilleur logement sur Orléans. Récente réfugiée, elle a tout laissé là bas dans son Ukraine. Son regard, son attitude m’ont blessé le cœur et fait de ma nuit un épouvantail poutinien.

Bien plus plus tard, dans Paris au métro Duroc une autre jeune et belle femme et sa fille viendront à ma rencontre pour me dire des choses que je n’ai pas comprises mais avec un regard chargé d’émotion en voyant le drapeau porté par Mario.

Avec la petite ukrainienne à Paris.

Je garde toujours en moi cette expression non verbale et la honte m’envahit d’être aussi nantis face à leur détresse.

Un camion bleu

Oui, c'est en sortant d'Orléans qu'on l'a rencontré.

C’est Patrice qui l’a vu le premier. Un grand fourgon bleu, arrêté un peu plus haut à la croisée de deux routes.

Le chauffeur, un gars costaud en descend et vient à notre rencontre ; « Ça va les gars ? Vous faites quoi ? » et suit une discussion sur l’art de partir. « j’habite un peu plus loin à une centaine de mètres, si vous voulez je vous prépare un café... » En fait, les kilomètres en voiture et à pied ne doivent pas s’aligner sur les mêmes mesures !. Avec l’allure rapide du mulet nous avons marché 25 minutes pour arriver à son domicile soit environ 2,5km. Bref, cet effort valait bien cette invitation: la compagne , la mère et le beau père ont tout préparé sur une table nappée dans la cour de leur maison : biscuits, fruits, café, jus de fruits, croissants : tout cela à profusion en racontant nos histoires de ‘’gens du voyage’’ avec un mulet…


 

la grande forêt.

Je connais bien cette forêt, cette grande forêt d'Orléans qui n’en finit pas .

J’y suis entré par le bois de la Chalopinière puis j’ai pris la longue allée des Aveaux en passant par le carrefour des pèlerins, ceux de l’évangile, du Marchais Clair, du Chêne Pointu, des Gaudichaux pour arriver en fin de journée à Ruau, hameau en bordure de Neuville-aux-Bois. Cette traversée fût longue et pénible. Les chemins sont travaillés profondément par les sangliers et les énormes trous sont gorgés d’eau stagnante : les moustiques sont légions et les taons pullulent.

Avec Mario nous les subissons et il ne faut surtout pas s’arrêter sinon c’est l’hallali (pour nous). Nous passons beaucoup de temps à contourner les embûches, à enjamber les troncs tombés en travers de la piste, faisons fuir quelques gros oiseaux et à plusieurs reprises inquiétons du gros gibier.

Cette longue traversée n’a pas toujours été guillerette. La méchante femme sans pied qui rode dans ces parages a virevolté plusieurs fois au dessus de moi en ricanant de sa bouche édentée, avec ses cheveux hirsutes et gras et son corps visqueux de méduse.

C'est pas tout à fait ça, mais ça y ressemble!

Sortant telle une furie de derrière un gros tronc, elle tournoie devant Mario qui tape alors sa tête contre un bouquet d’air pour se défaire d’un invisible carcan de fils de soie transparente. Je me dépêche et je mets le plus de distance entre cet endroit détestable de la forêt et la trouée, au bout du chemin forestier que j’aperçois dans le lointain. L’envoûteuse a cependant le temps de s’emparer de la raison et du cortex de mon téléphone, le rendant amnésique et aphasique: elle vient de me jeter un sort, il ne fonctionne plus et je ne pourrai plus l’utiliser durant toute la durée de ce voyage. Tous les textes éphémères sont inscrits dans une langue inconnue pour moi : peut-être du grec ? Heureusement, juste avant cette fâcheuse rencontre j’ai pu joindre Régis, le président de ma section pour lui demander de prévenir le secrétaire général de la SMLH de ma prochaine visite aux Invalides. Cette rencontre nauséabonde m’a littéralement mit la tête en sandwich et les jambes en flanelle, je m’empresse de quitter la forêt maudite !

arrivée chez mes amis.

Il est bien tard lorsque j’arrive chez mes hôtes, d’anciens pèlerins qui me reçoivent comme le fils prodigue. Mario rejoint un parc très herbeux et après un excellent repas revigorant en compagnie d’amis venus de Chilleurs-aux-Bois un village voisin, Michel et Marie-Hélène m’ont conduit au lit. Fatigué et repu le sommeil a été instantané.


 

En voyage avec Marc Sangnier

J’ai un attachement particulier pour l’auberge de Boissy-la-Rivière, le long de la Juine . Construite par Marc Sangnier la première auberge de jeunesse de France a eu son heure de gloire.

Ce journaliste, polytechnicien, homme politique chrétien et républicain a œuvré toute sa vie pour la paix.

la première AJ en france

L’auberge de l’Épi d’Or a reçu des scouts avec les fameuses Jamborées depuis 1935 jusque dans les années 70. A deux reprises en 67 et 69 Jean Jacques et moi avons emmené des gosses de la "DASS" pour y passer de courts séjours et dernièrement je m’y suis arrêté avec Mario le mulet lors de voyages vers la capitale. Les bâtiments de l’époque étaient très spartiates mais aujourd’hui grâce à la volonté d’un maire ils sont grandement réhabilités. Beaucoup de bons souvenirs restent attachés à ces lieux.

En voyage avec Jean Bertin

Durant ce voyage j’ai également retrouvé un autre polytechnicien, Jean Bertin. Ce génial constructeur de l’aérotrain a en son temps déposé le brevet du « coussin d’air ».

Et au loin la Beauce.

L’Aérotrain, devait être le train de l’an 2000. Il a glissé sur son rail de béton pendant 12 ans parfois à plus de 400 km/h. Une ligne expérimentale de moins de 20 kilomètres à proximité d'Orléans est alors construite. Quelques tronçons subsistent encore aujourd’hui en Beauce et je crois bien que cette ligne a été classée à l’inventaire des monuments historiques. Dire que cette rampe de béton a accompagné nos départ en vacances avec la Dyna Panhard pendant nos années de jeunesse et que j’ai pu, depuis, la suivre à pied maintes fois en compagnie de Mario !

En voyage avec Richard.

Richard : ce gars là est une véritable légende. Pourvu d’une belle bacchante cet homme d’apparence bourru est doté d’un cœur en or. Il dirige encore malgré son âge et des soucis de santé un club hippique dans la région de Pithiviers.

Nous sommes devenus de bons amis après mes différents passages chez lui. Je me souviens qu’ayant perdu mes lunettes lors d’un saut de fossé, Dominique une de ses amies m’avait gentiment donné une paire de loupe pour me permettre de lire la carte IGN. C’est ce même Richard qui m’avait proposé, sans rire, d’adopter un bardot ; C’est lui encore qui m’offrit le gîte et le couvert en ouvrant d’excellentes bouteilles. C’est toujours chez lui que j’ai pu admirer une belle collection de phalènes. Un gars hors du commun, vous dis-je !

plaques muletières XVIII°

 

 

Étampes

 

Yajing avec Mario devant Valnay.

Contacté grâce au soutien de l’ami Gérard, le maire d’Etampes m’a proposé d’héberger Mario au château de Valnay. Tony, le gardien de ce royal logis est aux petits soins, et de bon matin nous rejoignons l‘école André Buvat où nous attendent les élèves de CM1 et CM2. La visite bien préparée par les maîtresses empiète largement sur le temps de marche : dessins à remettre aux enfants hospitalisés, nombreuses questions sur ce drôle d’animal aux longues oreilles.

Avec les enfants de Doullens(80) en septembre 2019

Comme d’habitude, Mario se prête avec beaucoup de gentillesse aux diverses démonstrations de son équipement de grand chemin avant que nous quittions cet instant de transmission unique. En voyage avec Mario nous vivons souvent avec les amis qui m’accompagnent des moments d’une telle intensité qu’il nous faut par la suite marcher longtemps en silence afin d’enregistrer tout cela en nos mémoires sacramentelles pour nous en souvenir beaucoup plus tard dans nos maisons.

 

             Jean, toujours près du pré de BASFER.

LA SUITE PROCHAINEMENT.

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